LE FRONT RUSSE (LE DILETTANTE)

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Résumé

Le Front russe, Jean-Claude Lalumière, Le DilettanteLe grain de sable, on croit le connaître, mais il peut prendre bien des aspects. Celui qui vient soudainement gripper la carrière de fonctionnaire diplomatique, benoîte et prévisible, du héros du Front russe, formé à l’exotisme par une lecture méticuleuse de Géo, adopte celle d’un attaché-case. Grande chose noire et anguleuse, cadeau de maman. À l’heure de l’entrée en fonctions, un chef de service vient y donner du genou. En découle une lésion au front assortie d’une mutation sèche, aux confins de l’empire, sur le « front russe », service voué au « pays en voie de création – section Europe de l’Est et Sibérie ». Usant de cette officine diplomatique (située dans le néo-XIIIe, « sorte de Broadway faussement high-tech ») comme base opérationnelle, notre homme va répondre à une rare vocation de gaffeur lunaire et de planificateur de catastrophes, plus désopilantes les unes que les autres, qui renforceront l’exil de notre homme sur le « front russe », entre Boutinot, le chef de service, Aline, fugace maîtresse et quelques collègues improbables. Notre homme, frustré dans son désir d’horizon (« J’avais l’impression d’être loin sans être ailleurs »), se résignera à ce bout de quai qu’est sa carrière de fonctionnaire (« Je vis et il ne se passe rien »). Mot de la fin, signé du même : « L’histoire d’une vie, c’est toujours l’histoire d’un échec ». Le livre, lui, est une vraie réussite… Rire garanti…

Presse

Le front russe, de Jean-Claude Lalumière

François Aubel, Le Magazine littéraire 10/12/2010
Grâce soit rendue à Jean-Claude Lalumière qui balade son premier roman comme un lampion de frairie au milieu des ténèbres de cette rentrée littéraire. Oui, il faut célébrer Le Front russe, comme une épiphanie, la visite d’un rire salutaire à l’heure où les libraires dressent sur leurs tables des piles de livres basculant dans les guerres Algérie, Tchétchénie, etc., plongeant dans les abîmes de la crise économique et au coeur de combien de névroses familiales...
Ce Front russe n’a qu’un menu rapport avec le célèbre théâtre d’opérations de 1939-1945. Il s’agirait plutôt d’un placard en bois massif sis dans les nouveaux quartiers du XIIIe arrondissement de Paris, juste derrière la gare d’Austerlitz. Une antenne du Quai d’Orsay se consacrant aux « pays en voie de création/section Europe de l’Est et Sibérie » dans laquelle le héros de Lalumière va être affecté malgré lui, et surtout à cause d’une mère écrasante. Romain Gary avait raison : « Avec l’amour maternel, la vie vous fait à l’aube une promesse qu’elle ne tient jamais. » D’autant plus si la mère en question offre à son rejeton ce qu’elle croit être une superbe mallette diplomatique quand il s’agit d’un objet préhistorique dont on se demande s’il n’appartenait pas jadis à un agent de la guerre froide. Maudit attaché-case qui va entraver la marche décidée et impérieuse de Langlois, le responsable des affectations au ministère des Affaires étrangères.
Tout l’humour de l’auteur tient dans cette chute de fonctionnaire, point de départ de l’épopée burlesque de ce jeune missionné auprès des ambassades abkhazes et autres consuls de Iakoutsk. Point de déséquilibre que le primoromancier se garde bien de rétablir, jouant constamment du décalage entre les rêves de voyages et de gloire de son Rastignac originaire d’Eysines, capitale de la pomme de terre, et la sinistre réalité d’un bureau climatisé. Et l’on ne rit que plus fort lorsque ce béjaune du Quai a des audaces dignes de Salavin, l’aimable personnage de Georges Duhamel La Confession de minuit. D’un ministère l’autre, c’est aux ambiances de celui de la Marine, où officia Guy de Maupassant, que l’on songe en lisant Le Front russe. Et plus précisément à une des chroniques acides les plus célèbres que le Normand ait tirée de ses séjours dans l’administration, L’Héritage. Jean-Claude Lalumière s’inscrit bien dans cette tradition littéraire portant haut la vie des petits fonctionnaires. Avec des armes pas aussi légères qu’il n’y paraît. Un comique qui ne s’aplatit jamais sur les terres infertiles du ricanement. Une phrase rythmée qui trouve la bonne distance - celle de l’ironie - dans d’habiles digressions. Et cette légère mélancolie qui, pour Vladimir Jankélévitch, entre dans la définition même de l’humour, « ce charme doux-amer de l’homme qui hésite entre le rire et les larmes et se réconcilie avec un destin cruel ».

Le Front russe

Marine de Tilly, Le Point, 13/02/2012
C'est l'histoire d'un type ordinaire, ni raté ni héroïque, qui rêve d'être Rastignac et finira branquignol en chef, sorte de Pierre Richard version diplomatique. C'est l'histoire d'un fonctionnaire frais émoulu de l'école d'administration qui croit que son futur métier ressemblera aux reportages de Géo (qu'il lit assidûment, conscience professionnelle oblige) et qui est muté sur "le front russe", autant dire aux confins de l'empire, "dans le néo-XIIe", juste derrière la gare d'Austerlitz, ParisFrance. Là-bas, enfermé dans un obscur service (le bureau des pays en voie de création, section Europe de l'Est et Sibérie), il s'enfonce dans un quotidien croquignolesque fait de conversations trépidantes à la photocopieuse, de pigeons décédés sur le bord de la fenêtre et de taches au plafond. Entre un dircab grotesque et une maîtresse névrotique, entre illusions et réalité fracassante, et servi par un humour mordant, cet excellent premier roman retrace la vie d'un fonctionnaire désabusé en plein cauchemar, en plein placard.

Jours tranquilles au Quai d'Orsay

La Revue critique; Eugène Charles, 20/01/2011
Vous cherchez un peu de lumière dans la grisaille de l'actualité des lettres ? Alors, pour une fois, fiez vous à la rumeur et aux gazettes littéraires qui ont flairé la bonne piste et précipitez vous sur le premier roman de Jean-Claude Lalumière, Le Front russe [1]. Pour un coup d'essai, c'est presque un coup de maître. Un peu autobiographique bien sûr, mais quoi de plus normal pour un premier ouvrage. On y marche d'abord à pas mal assurés, on se tient aux murs de l'enfance, aux certitudes de la vie. Et puis brusquement on se lâche, l'histoire se met en route, les personnages vivent par eux-mêmes et tout devient facile. Nous voilà partis pour le front.
Le narrateur du Front russe part lui aussi en campagne. Avec un handicap certain, c'est un rêveur. Rejeton de la petite bourgeoisie des années 70, fils unique un peu couvé, il a passé son enfance à soupirer sur les atlas et les revues de géographie, la tête pleine d'aventures exotiques et de voyages au long cours. Et voilà que la chance semble lui sourire : un petit concours administratif réussi, une affectation aux Affaires Étrangères et la valise est déjà prête pour les terres lointaines. Mais le mirage s'évanouit très vite. Notre apprenti diplomate, mal servi par le sort, découvre à ses dépens la réalité du Quai d'Orsay d'aujourd'hui. On le placardise d'emblée dans un service en déshérence, "le bureau des pays en voie de création, section Europe de l'est et Sibérie", situé en plein treizième arrondissement, dans la hideuse ZAC Rive gauche. Le voici au purgatoire du "Front russe", promis à l'attente, à l'ennui et à l'inutilité. Son activisme et son envie de bien faire lui mettent évidemment tout le monde à dos et chacune de ses initiatives tourne au désastre. Il lui faudra du temps et beaucoup d'humour pour comprendre qu'on ne dérange pas impunément les certitudes moisies des administrations et que les rêves des ronds de cuir n'ont pas grand chose à voir avec ceux de l'enfance. Il finira par en prendre son parti.
Il y a un peu de fatalisme dans ce Front russe. Mais c'est un fatalisme qui ne tourne jamais à l'aigre. On sent que Jean-Claude Lalumière est un adepte du sourire moqueur de Jacques Tati. Son héros est une sorte de M. Hulot jeune qui débarquerait au Quai d'Orsay. Il ignore tout des rites de la maison, il accumule les gaffes sans s'en rendre compte, persuadé qu'il a l'avenir pour lui. Lalumière s'amuse de son personnage, de sa crédulité et de son manque d'assurance; le ton faussement naïf du récit fait des merveilles. Nos lecteurs goûteront également l'humour délicatement réactionnaire de certains bons passages. On savourera sans retenue l'épisode où le ministre - qui ressemble un peu à Bernard Kouchner - décide de redorer son blason et organise une "marche des fiertés diplomatiques" qui sombre dans le ridicule le plus total. On rira un peu jaune au récit de ce voyage improbable en Géorgie où l'ambassade de France se transforme en music-hall de bas étage pour séduire des élites locales atterrées. On sourira à l'histoire du pigeon mort qui encombre la fenêtre du narrateur et dont l'enlèvement met en émoi toute la bureaucratie du Quai d'Orsay. Et on sera plein d'indulgence pour les déboires amoureux du narrateur avec la jeune secrétaire du service, une pauvre créature, victime du bio, des séries télévisés et des magazines féminins.
Il y a aussi un peu de nostalgie dans le Front russe. Une douce nostalgie, une petite musique tendre qui se dilue dans l'humour et qui rend le livre parfaitement attachant. Nostalgie des années 70, des familles heureuses et du temps du plein emploi, où le temps s'écoulait entre l'attente de Noël et celle des grandes vacances, où il flottait encore sur le monde ce parfum d'aventure qui fait les rêves adolescents. Le narrateur est un pur produit de cette époque, il est aussi une victime des temps nouveaux, de ces années au front dur où les rêves n'ont plus leur place, où les terrains d'aventure sont peuplés de touristes obèses, où la France n'est plus tout à fait au centre du monde, où les ministres des Affaires Étrangères ne s'appellent plus Maurice Couve de Murville ou Michel Jobert mais, plus bêtement, Philippe Douste-Blazy ou Bernard Kouchner. Alors, entre ces deux époques, celle où on a bien vécu et celle où il faut bien vivre, on perd vite ses repères. Il faut peu de choses pour faire d'un adolescent rêveur un anti-héros adulte : des parents qui s'éloignent, des maîtres ou des amis qui s'effacent, la routine de la vie qui vous mange le coeur. "Je crois que j'ai perdu ma capacité à rêver, dit le narrateur duFront russeJ'attends simplement. J'attends qu'un événements survienne dans ma vie. (...) . Mais il ne se passe rien. Je vis et il ne se passe rien. J'aurai vécu et personne n'en saura rien. (...) J'ai voulu tracer mon propre parcours, et je me suis retrouvé à mettre mes pas dans ceux de mon père. on croit se rendre dans des endroits nouveaux mais on réalise que c'est partout pareil. L'histoire d'une vie, c'est toujours l'histoire d'un échec."Troublante confession d'un enfant du siècle.
On prend surtout du plaisir à lire le Front russe. Lalumière a été, c'est visible, à bonne école. Celle de Stendhal, celle de Dumas, celle aussi, à coup sûr, des Nimier, Blondin, Laurent et de quelques autres qu'on aime ici. Il cultive la légèreté avec la mélancolie, l'ironie avec une pointe d'amertume, l'effronterie et une certaine pudeur. Ce premier roman, c'est entendu, manque un peu de fond, les protagonistes du narrateur y sont juste esquissés et on voudrait au récit plus d'intrigue, plus de rebondissements. Les propos intimistes y arrivent un peu tard, presque à la fin. Mais tous les ingrédients sont là pour qu'une oeuvre naisse. Presque un coup de maître, disions nous. A coup sûr un coup d'éclat qui ne peut pas rester sans suite. Faites vite, Lalumière !

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