BLANCHE DE BORDEAUX (ED. DU 28 AOUT)

Blanche de Bordeaux,Jean-Claude Lalumière, éd. 28 août
éditions du 28 août (2007)


Un ami, homme de bons conseils dont le parcours professionnel l'amena à travailler, entre autres, pour les éditions Casterman, Plon et Christian Bourgois chez qui il était membre du comité de lecture, avant de croiser le mien, me dit un jour, lors d'une de nos discussions littéraires qui précédaient parfois nos journées de travail : « un bon romancier, c'est celui qui arrive a trouver le bon dosage entre la part de réalité et la part de fiction dans son histoire. » J'espère être parvenu à trouver ce dosage dans Blanche de Bordeaux.
 
La part de réalité dans Blanche de Bordeaux, c'est en premier lieu l'événement autour duquel s'articule l'histoire : la destruction de la Cité Lumineuse. Construite en 1960 par Claude Ferret, l'architecte de la reconstruction de la ville de Royan, cette grande barre en arc de cercle était parfaitement intégré sur le site, longeant les berges de la Garonne, faisant face aux coteaux calcaires de Lormont sur l'autre rive (il n'y avait pas de plus belles vues sur ces derniers). Au nom du renouvellement urbain, il a été décidé, en 1996, de détruire ce bâtiment tandis que dans le même temps, le ministère de la Culture classait aux monuments historiques la caserne des pompiers de la Benauge construite par le même Claude Ferret. Vous trouverez étrange sans doute que l'on puisse à la fois nier et consacrer le travail d'un architecte.
 
Au delà de cette incohérence dans la gestion de notre patrimoine, il y a la question humaine. Plus de 300 familles ont été expulsées pour opérer cette destruction. Je n'ai jamais habité ce quartier. Je l'ai cependant fréquenté parce que j'y avais des amis, et en tant qu'éducateur sportif aussi au Bordeaux Athlethic Club. Mais lorsque s'est posée la question des personnages, c'est dans un autre quartier de l'agglomération bordelaise que je suis aller chercher l'inspiration. Les habitants de Bacalan me pardonneront cette liberté. Et c'est à La Forêt, quartier situé sur la commune d'Eysines dans lequel j'ai grandi, que j'ai trouvé les personnes réelles qui m'ont inspiré certains des personnages du roman : Christian Laruelle, Pierrot, les frères Mendez entre autres. Le café, « Au rendez-vous des chasseurs », est lui aussi un emprunt à ce quartier. C'est dans ce café que j'ai rencontré mes modèles. Ces personnages et ce café constituent la deuxième part de réalité du roman.

Tout le reste n'est que pure fiction.
Presse : 
Article paru dans Le Magazine des Livres - N° 8, Janvier/février 2008 
La Cité lumineuse dans les années 60, Bacalan, Bordeaux
La Cité lumineuse dans les années 60
Une fois digérée la couverture, qui évoque davantage la mièvrerie d’une collection Harlequin qu’elle ne laisse augurer une quelconque promesse de mystère, vous ne courez d’autre risque que celui du plaisir à ce premier roman de Jean-Claude Lalumière. C’est d’ailleurs ce qui en fait le charme autant que la limite, mais nous y reviendrons.


L’histoire se déroule à la fin des années quatre-vingt dix, quand la municipalité entreprend de démolir la Cité Lumineuse, grande barre sise dans le quartier de Bacalan, au nord de l’agglomération bordelaise. Les mobiles de cette destruction programmée sont assez sourds, mâtinés d’ambition politique et d’affairisme local. Certes, une barre est une barre, et une barre n’a d’autres raisons d’être que de fournir un habitat à loyer modéré. Mais l’homme étant aussi un être social, il parvient toujours à créer de la sociabilité là même où il n’est pas initialement venu de son plein gré : ce que nos bobos tentent de retrouver sous l’étiquette de la vie de quartier est souvent le produit d’un processus social contraint, une solidarité de voisinage caractéristique de ce que put être naguère l’entraide ouvrière. Bref, Bacalan « resterait physiquement une enclave quoi que l’on y détruise », et la Cité Lumineuse aura son comité de défense au « Rendez-vous des Chasseurs », comptoir qui tire son nom du temps où, en lieu et place de la cité de béton que balaie parfois un « vent de bitume », s’étendaient les marais où l’on tirait encore du gibier d’eau.



Car c’est à une sorte d’élégie des mondes engloutis que nous convie Jean-Claude Lalumière, le temps d’un polar dont le charme un peu désuet est souvent irrésistible. Polar quasi social d’ailleurs, car, non content de faire revivre une époque, il donne des ouvriers, des petits commerçants et des gens de peu une peinture pleine de tendresse et d’empathie, peinture que domine un sentiment de noblesse de classe et de pudeur fraternelle. Tout cela est peut-être un peu idéalisé, mais après tout pas si désagréable à lire, dans une période où la figure du héros se confond souvent avec celle du manager transfrontalier défiscalisé – quand ce n’est pas celle du politicard au bras d’un mannequin croqueur de mâles. Il y a quelque chose de Simenon dans cette manière de s’attacher un univers laborieux et d’éclairer le dénuement sans alourdir le trait ; et l’on pourrait convoquer jusqu’aux mânes de Dashiell Hammett, fin connaisseur  (et pour cause) de la brutalité syndicale et sociale. Point de syndicat ici, toutefois, et l’on voit mal en effet quelle union ouvrière pourrait s’intéresser à ces hommes dont l’avenir est non seulement tracé, mais pour l’essentiel derrière eux. Ils ne peuvent donc que s’en remettre à eux-mêmes – mais il est vrai que l’existence les y a habitués. La galerie de portraits est d’ailleurs plutôt réussie, de Marcel Cliquot, dit « Coquelicot », un privé comme on n’en fait plus et dont la retraite sera moins paisible qu’escomptée, à son vieil ami « le Grand Francis », en passant par Christian Laruelle, le patron du « Rendez-vous ». A travers eux, une petite communauté fière et généreuse va se retrouver compromise dans un imbroglio qui, d’une simple affaire de résistance à un projet immobilier, tournera, trafic de stupéfiants aidant, au règlement de compte sanglant.



Jean-Claude Lalumière se moque bien d’apparaître comme moderne. Même si le coup du mégot enfoncé dans l’oreille en guise de cendrier pourrait ne pas déplaire à un Tarentino, nous sommes ici face à une sorte de standard du roman policier : des acteurs qui semblent nés pour jouer leur rôle, et rien que leur rôle, une mécanique narrative linéaire très éprouvée, une technique descriptive qui vise à l’essentiel, une volonté délibérée de fuir tout effet de manche ou de style. Cet absolu classicisme pourra décevoir tel ou tel lecteur, plus désireux de se sentir malmené, mais il n’est pas étranger à un plaisir, ou à un type de plaisir, que seule permet une texture sans apprêt. Quelques traits s’avèrent certes un peu convenus, et les effets de surprise sont au bout du compte assez peu nombreux. Ce roman exerce pourtant une vraie séduction. Cela tient au récit, charpenté, bien mené, mais plus encore à ce spleen lointain dont il est emprunt, au spectacle un peu désolé de ces mondes que la modernité sociologique enterre à la va-vite et sans le moindre état d’âme. Reste à Jean-Claude Lalumière, une fois faite la démonstration de son talent à mener l’enquête, à ciseler une écriture qui manque parfois d’un peu de nerf et à la libérer de quelques timidités. Nous tiendrons alors un fameux serial writer.
Marc Villemain

L'avis des lecteurs :

17/10/2008 (Michel Hélix) J'ai pris grand plaisir à lire ce roman, moi qui ne lis pas souvent. J'ai l'impression d'avoir toujours connu les personnages. Il est vrai que j'ai pas mal fréquenté ce genre de lieux et de personnages. J'aime beaucoup le grand Francis. Je suis très fier de connaître l'écrivain.

11/09/2008 (Sandrine Macleod) De l'ombre à La Lumière ... C'est noir oui, mais tellement dans le juste et si bien ficelé, qu'on y est...et la Cité Lumineuse, pour y avoir longtemps vécu, je m'en souviens comme dans le roman... Bacalan et ses personnages hauts en couleurs où vie de quartier, rime avec système D. Après le pont tournant, qui nous séparait du reste de la ville, on rentrait "chez nous" et malgré une "mauvaise" réputation qui n'était plus à faire, on était fiers de rejoindre la Cité...et mieux encore, on s'y sentait en sécurité, dans notre petit monde. Alors un grand Merci à toi Jean-Claude, je suis rentrée chez moi, l'espace de ton livre.

26/06/2008 (Philippe Payelle) Je t'adresse mes compliments, style efficace et bien retenu, belle ambiance et personnages dans la lignée du polar à la française. Vraiment un très beau coup !!

30/04/08 (Jean-Michel) Cela faisait longtemps que je n'avais pas dévoré un bouquin, et là j'ai tout avalé en deux séances de lecture. Tout d'abord il faut que je vous dise que je suis né à deux pas de la Lumineuse et qu'à travers ce livre j'y étais presque physiquement. Les personnages sont tout à fait sortis du moule de ce quartier de Bacalan et leurs dialogues m'ont fait croire un instant que j'étais accoudé au comptoir du Bar des Chasseurs. Je pense que ce roman en appelle certainement un autre, alors c'est pour quand ?... que je m'y remette.
Encore une fois, Bravo 

04/04/2008 (Abdel El Bouqdaoui) Une belle prouesse pour un premier roman avec un texte saisissant. Bravo pour la mise en scène, une histoire bien cousue, prenante qui donne envie d'aller à Bordeaux, faire un tour du côté du quartier de Bacalan et dire je connais cet endroit! Il nous renseigne aussi sur plein de choses (la nature humaine, le concours des circonstances...etc) J'ai noté un passage très remarquable et très émouvant à la fois, qui m'a beaucoup plus par la qualité de sa construction : « ...il sentait la fatigue le gagner, le souffle lui manquer; il s'éloignait peu à peu du rivage des vivants, se ralliant doucement à la théorie des ombres qui hantent les sentiers de l'au-delà.. » Bravo encore et bon courage pour d'autres aventures.

18/03/2008 (Sandrine Jo.) Minuit 18 : je referme le livre, j'éteins l'ampoule. Une fois dans le noir, je reste encore en prise avec l'éclat de ce polar noir (moi qui suis une fondue de policiers - les romans, évidemment). Il est vrai qu'au début je pensais l'éclairage dirigé davantage sur les Bordelais, ou du moins ceux qui connaissaient bien l'endroit. Puis, peu à peu, je me suis laissée guider par le rythme, cette amitié franco de port, les personnages si bien croqués. C'est prenant, âpre, "sharp", de plus en plus amer. On aime l'un, on déteste l'autre, on sent le malaise, le fil inexorable, le poids qui s'inflige. On a envie de savoir, de savoir !! Bon vent à l'auteur ! (et dommage que le vieux Coquelicot ne puisse reprendre du service, on l'aurait bien imaginé aussi en séries noires... Mais évidement cela aurait été moins sanglant). Amitiés

19/02/2008 (Danielle) Bordeaux comme si vous y étiez... Une ville qui ne m'a jamais attirée, et que tout d'un coup j'aimerais bien visiter! J'ai adoré la description que l'auteur fait de cet endroit ; tout comme les personnages gravitant autour du héros. On vit une belle aventure. Un bon polar, bien tissé, bien dressé, avec quelques scènes prenantes et un dénouement qui ne laisse pas indifférent.

15/02/2008 (Rodolphe Bléger) Blanche de Bordeaux, c'est de la bonne littérature. Une narration classique super efficace. Tout y est : un décor en décomposition superbement posé, des personnages attachants, vrais, de vrais gens qui réagissent comme de vrais gens, comme ils peuvent, en faisant jouer les relations qu'ils peuvent faire jouer ; on est loin de Dantec, du seul contre tous, du surhomme, du super héros capable de réagir, maîtrisant la technologie et les arcanes du système ; dans Blanche, rien que des hommes, des petites frappes, des copains, des paumés, des amitiés de comptoir et d'immeuble, des hommes broyés d'avance. Le campement de nomades sédentarisés, la casse : c'est la fin d'un monde. Tu ne nous laisses même aucun espoir, aucun répit. On ne peut même pas se retrancher derrière une quelconque nostalgie. Le passé brassé par tes personnages n'a rien d'idyllique, n'a rien du paradis perdu. Coquelicot n'est pas un privé à l'américaine, pas un Burma. Non, ses affaires n'ont jamais rien eu de glorieux. Et le jour, où enfin, il aurait pu se révéler, se relever de toute sa boue, jouer du flingue, eh bien non, il agit comme il l'a toujours fait, en Coquelicot. Bref, ton Blanche est un roman noir bien serré.


04/02/2008 (Annie Laurans) j'ai aimé lire cette histoire aux couleurs locales et vous avez très bien fait ressortir l'attachement des habitants à leur quartier. Merci pour eux et à bientôt j'espère pour d'autres aventures locales!


25/01/2008 (Bacha Galan) Je viens de terminer la lecture de Blanche de Bordeaux. Quel plaisir de revisiter sous votre plume ce célèbre quartier bordelais! et quelle nostalgie aussi... Réalité, fiction, tout s'entremêle et c'est captivant. Une suite??? Bravo, bravo, bravo! Tous les Bordelais devraient lire Blanche de Bordeaux Amicalement


15/01/2008 (Martial Maury) Wouah ! C'est du noir de chez noir de chez sombre. Pas de salut, ça démarre lentement, mais après…
 

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